Des herbes, de l’alcool et de l’eau… La recette de l’absinthe est d’une simplicité étonnante. Pourquoi ne la trouve-t-on donc pas plus souvent sur les cartes des bars et cafés ? C’est oublier son histoire sulfureuse qui a secoué la France du XIXe siècle.
Rarement un alcool aura fait autant fureur ! Adorée et méprisée, plébiscitée puis interdite, l’absinthe a engendré de nombreuses réactions au cours des siècles. Aujourd’hui encore, elle nous apparaît comme une boisson mystérieuse et transgressive. Pourquoi donc ?
Qui a inventé l’absinthe ?
Si elle est aujourd’hui connue comme spiritueux, l’absinthe est avant tout une plante aromatique (Artemisia absinthium pour les latinistes). Égyptiens et Grecs l’utilisaient déjà pour ses vertus médicinales. Ils la buvaient alors dans des décoctions de vins pour soigner les maux de ventre ou faire passer les règles douloureuses.
Mais l’absinthe telle qu’on la connaît aujourd’hui est une création plus récente. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour qu’elle soit distillée pour la première fois. C’est une Suisse, la mère Henriod, qui serait l’inventrice de cet « élixir à base d’absinthe ».
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De boisson d’apothicaire à apéritif populaire
Avec le temps, le remède se popularise dans la région, plus pour son effet enivrant que pour ses vertus thérapeutiques. On l’utilise d’ailleurs de plus en plus comme apéritif, ce qui n’échappe pas à l’homme d’affaires suisse, Daniel-Henri Dubied. En 1797, celui-ci rachète la recette à la mère Henriod et fonde la première distillerie d’absinthe avec son gendre Henri-Louis Pernod (qui n’a aucun lien de parenté avec la célèbre famille du Pastis).
Ce n’est pas une mais quatre distilleries qui sont créées en quelques années seulement par Pernod ! Si les Suisses apprécient l’amertume de la boisson, les Français en raffolent. Et en 1830, la conquête de l’Algérie accélère sa popularité : sur place, les soldats français utilisent l’absinthe pour assainir l’eau et ainsi éviter les infections comme la malaria. Dans les cafés parisiens, on ne commande plus que cette étrange boisson verte.
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L’absinthe rend-elle fou ?
En 1850, le prix du vin s’enflamme. La cause : des pucerons ont décimé les vignobles européens. L’absinthe, peu chère, est l’alternative idéale. Sa production est multipliée et son prix chute au détriment de sa qualité. On l’apprécie pour les vertus créatives mais aussi la perte de réalité et les hallucinations qu’elle engendre. Les artistes louent ses effets, l’évoquent dans leur littérature et la décrivent dans leur peinture. Ils surnomment cette nouvelle muse « fée verte » en référence à sa couleur distinctive.
Pourquoi l’absinthe a été interdite alors ? Sa qualité douteuse, sa toxicité, son abus… De nombreux facteurs viennent ternir sa réputation. À l’époque, la consommation d’alcool n’est pas régulée et nombreux sont ceux qui tombent dans l’alcoolisme. On impute par exemple la folie de Van Gogh à la boisson (mais il la mélangeait avec du cognac et fumait une sacrée dose d’opium par jour). Des études de l’époque vont pointer du doigt le thuyone, une molécule présente dans la plante, causant des épilepsies. Un terme apparaît : « l’absinthisme », c’est le début de l’alcoologie.
Finalement, c’est le lobby vigneron et des ligues de moralité qui provoquent son interdiction en 1915. Des études ont depuis montré que c’est surtout la haute concentration de méthanol (l’alcool) qui est à l’origine de ces effets néfastes. L’absinthe est de nouveau autorisée en France depuis 2011, avec cette fois-ci des taux limités de thuyone. Mais sa réputation est faite, l’absinthe n’est plus une fée, mais une sorcière.
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