Si aujourd’hui, le guide rouge fait office de bible gastronomique, à ses débuts il n’était qu’un petit livret offert aux automobilistes. Pour comprendre ce succès, un détour historique s'impose.
Le 22 mars dernier se tenait la cérémonie du Guide Michelin France à Cognac en Charente. Connu dans le monde entier, cet événement est l’un des moments phares de la gastronomie, si ce n’est le plus important. Pourtant, à sa création il y a un peu plus de 100 ans, rien ne prédestinait le livret rouge à devenir la référence culinaire d’aujourd’hui.
Les débuts du Guide Michelin
En 1900, l’automobile n’en est encore qu’à ses débuts. Il n’y a alors que 3 500 voitures en circulation, mais André et Édouard Michelin y voient un marché prometteur. À la tête de l’entreprise familiale de pneumatiques, les deux frères souhaitent favoriser le développement de l’automobile et donc faciliter les trajets. D’autant qu’à cette époque, les routes sont mal indiquées, parfois non goudronnées, et donc souvent dangereuses. Pour aider les automobilistes, les frères Michelin lancent un petit livret rouge qu’ils offrent à leurs clients lors de l’achat de pneu. Le guide recense des adresses, propose des cartes routières, des plans de ville, des conseils pratiques (comment changer une roue, faire le plein d’essence…).
La professionnalisation du guide rouge
Les années passent, la liste d’adresses s’allonge. Après une interruption pendant la Première Guerre mondiale, le guide reparaît, cette fois-ci en version payante et avec une rubrique « hôtels et restaurants recommandés ». C’est à période que les inspecteurs Michelin, salariés du groupe, se professionnalisent. En 1926, les meilleures tables sont distinguées par une étoile. C’est le début du classement du Michelin, qui sera complété en 1931 par la deuxième et la troisième étoile. Le guide devient peu à peu une référence et investit les rayons des librairies.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, sa parution est interrompue. Mais il est en fait distribué aux soldats américains afin qu’ils ne se perdent pas une fois débarqués sur le territoire français.
Que représentent les étoiles Michelin ?
* bonne table dans la localité
** cuisine excellente, vaut le détour
*** une des meilleures tables de France, vaut le déplacement
De guide à bible gastronomique
Dans les années 60, le mouvement de la nouvelle cuisine, initié notamment par Paul Bocuse, a donné encore un peu plus de valeur au guide. C’est à cette période que les étoiles sont devenues des consécrations pour nombre de chefs. Outre la gloire qu’elle promet, l’étoile apporte bon nombre d’avantages : une publicité énorme, jusqu’à 30% de clients en plus, une raison d’augmenter les prix, des contrats intéressants avec des entreprises agroalimentaires, des maisons d’édition…
Comment obtient-on une étoile ?
Les inspecteurs Michelin se basent sur 5 critères :
(1) La qualité des produits (2) La maîtrise des cuissons et des saveurs (3) La créativité du chef dans ses plats (4) Le rapport qualité/prix, (5) la constance de la prestation dans le temps, ainsi que l’hygiène, la décoration ou encore la carte.
Critiques et polémiques autour du Guide Michelin
S’il y a toujours eu des critiques sur le Guide Michelin, elles ont beaucoup augmenté ces dernières années. On lui reproche une grande opacité sur les méthodes de notation et une certaine subjectivité. Plusieurs événements ont ravivé des doutes ou créé des polémiques sur le guide :
En 1996, Joël Robuchon rend les 3 étoiles attribuées à son restaurant avenue Raymond-Poincaré à Paris. « Il fallait que j’arrête cette vie harassante, j’avais peur de finir comme les copains du métier Alain Chapel, Jean Troisgros, Jacques Pic, morts prématurément à force d’avoir trop tiré sur la corde », explique-t-il à l’Express en 2009.
Plusieurs chefs ont souhaité rendre leur(s) étoile(s) par la suite : Alain Senderens en 2005, Antoine Westermann en 2006, Jean-Paul Lacombes en 2007, Olivier Roellinger en 2008, Claude Legras en 2016, Sébastien Bras en 2017…
En 2003, le chef Bernard Loiseau se suicide à cause, notamment, de la pression exercée par la critique gastronomique.
En 2004, Pascal Rémy, ancien inspecteur Michelin, sort L'inspecteur se met à table. Il y dévoile que l’édition 2003 n’aurait été réalisée qu’avec 5 inspecteurs, que ceux-ci ne visitent pas chaque année l'intégralité des sites recommandés ou encore que certaines tables seraient « intouchables ». Bref une sérieuse remise en cause du guide.
En 2016, le chef Benoît Violier se suicide 24 heures avant la sortie du Michelin. (La raison de son suicide reste néanmoins encore inconnue)
En 2019, le chef Marc Veyrat saisit la justice pour comprendre pourquoi le guide a enlevé la troisième étoile à l’un de ses restaurants. Il est débouté.
En 2020, l'auberge de Collonges-au-Mont-d'Or de Paul Bocuse perd sa troisième étoile. Elle la détenait depuis 55 ans.
5 anecdotes sur le Guide Michelin
Le chef le plus étoilé au monde actuellement est Alain Ducasse. Il possède 18 étoiles.
Le chef le plus étoilé de tous les temps était Joël Robuchon (32 étoiles Michelin lors de son décès en 2018).
La France possède le plus de restaurants étoilés (626).
Le pays avec le plus de restaurants 3 étoiles est la France (31), suivi du Japon (21) (source Michelin)
Tokyo est la ville avec le plus d'étoiles Michelin au monde avec 206 restaurants étoilés.
Sources :
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